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Maison de la Poésie Jean Joubert

Le blog de la Maison de la Poésie Jean Joubert

Nuits de la Lecture - Espace lectures ouvertes et scène ouverte

Nuits de la Lecture - Espace  lectures ouvertes et scène ouverte

A l'occasion des Nuits de la Lecture 2021, cette page est un espace "scène ouverte" éphémère, où vous pouvez envoyez vos textes sur le thème "Relire (et relier) le monde", ou bien proposer un texte d'un auteur que vous aimez.

maisondelapoesie@orange.fr

Proposition de Flore IBORRA

 

Poème de Roudaki, poète persan, né dans un village de montagne, à l'est de Samarqand, dans l'actuel Tadjakistan. Roudaki fut le poète officiel de l'émir samanide Nasr II (914-943). Il cultiva presque tous les genres, panégyrique, élégie funèbre, lyrisme amoureux, poésie bachique, poésie narrative et morale. Il mit en vers le célèbre le célèbre recueil de fables d'origine indienne Kalilè et Demnè, qui devait connaître une immense fortune en Orient avant d'être la source principale de La Fontaine.

Vivons joyeux

Avec les belles à l'oeil noir vivons joyeux;

le monde n'est qu'un conte, un souffle qui passe.

Ne faisons pas au présent grise mine,

des jours passés ne parlons point.

Je ne veux plus connaître que ces boucles parfumées

et que les charmes de cette fille de houris.

Heureux celui qui sut jouir et donner!

Plaignons celui qui ne fit l'un ni l'autre.

Vents et nuées, la vie n'est que mirage;

verse du vin, advienne que pourra!

ROUDAKI

 

Enregistrement: texte de ROUDAKI lu par Flore IBORRA

Proposition de Natacha BELEM

 

Dis si c’était vrai

Qu’un global machin chose

Voulait la mort de l’humanité

Au profit de sa G et des machines

Robots tout puissant

On serait dans la pire série

Z imaginée il y a 122 ans

« La guerre des mondes »

 

Dis si c’était vrai que

Cela commencerait par

Une guerre dont l’un des protagonistes

Serait invisible

Et si petit et si

C’était lui à qui on faisait porter

Le chapeau hein ?

Dis si c’était vrai

Que la moitié de

L’humanité y croirait

Et l’autre pas…

Si c’était vrai

Que la haut c’était

Ici en fait, dis...

Dans le monde invisible

A nos yeux, les âmes se battent comme

Des loups des chiens

 

Chasse gardée :

« la maison est à moi

C’est mon domaine, c’est à moi, toi chien gentil tire toi de là

Les clés sont dans ma gueule et je mords

Si tu me touches »

Le chien :

« Dis toi tu vas te calmer laisse moi te soigner

Poser ma main entre tes yeux et te donner.

Tu veux vraiment me tuer ?

Faire disparaître ta rage !?

Enragé, je t’ai coincé

C’est entre

Toi et moi à présent

Ta colère

Ta haine de l’autre

Dans le monde

Et puis…

Tu seras tout seul dans ce grand domaine

Avec tes machines et tes robots

Qui sauront faire, tout faire pour toi

Seul dans ton monde tu seras

Est-ce cela, dis ?

 

L’Humain :

« Si c’était vrai

Aujourd'hui

Je respirerais

Je mélangerais mon existence de virus à celle de l'organisme qui m'a laissé entrer !

Je dépasserais ce jeu

Ce « je » de passe passe où finalement plus personne ne comprend rien !

Je dis “Jeu”

Jouets, jouons avec le feu.

 

Je dépasse le « je » en le transformant

En un tue ils, régulateur

Pour un « nous vous ils » aimables et transformables

Est-ce un double jeu ?

Non, nourri de nos envies

Nourri de notre substance,

Je dépasse mon "Je"

Je dis...Om . Si c’était vrai dis, nous les Om ?

Natacha Belem

« La charte galaktik de l'éthique universelle" de Natacha Belem, extrait du « Cabaret des anges »

 

 

Enregistrement de Natacha Belem

Proposition de Jean-Marc Barrier

 

Poèmes de Jean-Marc Barrier, films...

 

Proposition de Pascale Goëta

Pier Paolo Pasolini

"Combien est nouveau le vieux monde humain"

Proposition de Jean-Gabriel COSCULLUELA

Un texte de Jean-Gabriel COSCULLUELA

 

C'est d'origine vient d'être édité dans le n°4 des Cahiers de la Montagne Noire, dédié à Joseph Delteil et Frédéric-Jacques Temple. Ce texte évoque le lieu de la Galaube, précisément dans la Montagne Noire entre l'Aude et le Tarn, où Joseph allait aux beaux jours avec Caroline, Frédéric-Jacques leur y a rendu visite quelquefois.

 

C'est d'origine

(Joseph Delteil)

 

                                                                  à Joseph Delteil

                                                                  à Frédéric-Jacques Temple

 

1.

 

Il se retire et se promène dans la montagne noire. Il marche dans un bruit d'eau et d'arbre, dans une forêt, au bord d'une rigole ou d'un lac. Il regarde. Il s'arrête sur une pierre. Il lit : des phrases comme des branches, des mots comme des feuilles, des herbes au pied, des mots comme des gouttes d'eau les unes à la suite des autres. Il revient vivre ici. Il marche. Il s'arrête ici pour des moments de lenteur, de respiration. Il lit. Il lit la première fois. Il lit toujours la première fois, comme il écrit, la première fois, le premier homme. Il revient ici. C'est d'origine. Il nous donne l'alphabet de l'eau, de l'arbre, l'alphabet de la pierre. Il est nu au cœur du monde. A l'abri des regards. Je suis invisible. Nu au cœur du monde. Pourquoi changer le monde... quand il me suffit d'en changer un seul : moi-même!  Son regard erre de lumière dans un bruit d'eau et d'arbre, dans un bruit de pierre. Sa cabane, sa maison de naître et renaître, est toujours proche. Sa cabane d'outils, les mots sont aussi des outils à main et la lumière est une nudité à reconnaître. Il revient vivre ici.

 

 

2.

 

Il se retire et se promène dans la montagne noire. Il marche dans un bruit d'eau et d'arbre, dans une forêt, au bord d'une rigole ou d'un lac. Il nomme eau, mais il nomme encore torrent, avant de voir à l'oeil nu la rigole, la rivière ou le lac, il nomme arbre, il nomme encore l'air et le vent, avant de les toucher à l'oeil nu, insaisissables in fine, il nomme encore forêt avant de voir ou revoir la cabane au cœur de la clairière, avant de voir à l'oeil nu la soudaine éclaircie où renaître, il nomme encore pierre, avant de voir à l'oeil la roche des premiers mots.

 

 

 

 

3.

 

C'est d'origine. Il ne s'en lasse pas. Il porte l'origine. Il va eau, torrent, rigole, rivière,  lac, il va forêt, arbre, clairière, vent, c'est ici qu'il naît ou renaît, il va roche, pierre, n'en faisant jamais qu'à son œil, il va mots, regardant, lisant, écrivant, il va mots s'en dire les sens, tous les sens, littéralement. Ses mots nous ouvre à l'origine, notre origine, en l'ouvrant plus loin vers l'inconnu de tout lecteur.

 

Dans ce retrait du monde, reste son regard. Le commencement ne le quitte jamais, il regarde, le commencement de l'eau, de l'arbre, de la pierre, il ravit le commencement en chaque chose. De ce retrait regardant, dehors, il marche, rien d'autre pour le moment que les pas, rien d'autre que renaître regardant, reconnaître ce qui vient, il reconnaît peu à peu l'inconnu où il va, ce qui vient dans le nom encore muet des choses qui commencent, ou recommencent. Il se déprend de tout. Il dit : impenser. Il lit le monde : la terre de la terre, l'eau de l'eau, l'arbre de l'arbre, la pierre de la pierre... Renaître n'a de cesse en ce retrait, renouer avec le dehors. La lumière reste toujours inachevée dans l'obscurité. Renaître regardant, il a des yeux couleur d'espace et de temps. Il est nu. Nu de corps présent. Il  amantaste*, il gaunhe* chaque chose, chaque silence, chaque mot, yeux nus mains nues. In petto, il se dit : Pourquoi es-tu créé et mis au monde ? Pour créer et mettre au monde.

 

Un jour, il fait jour. A l'oeil nu. Aux yeux nus à mains nues. Un lever de silence et de mots, à reconnaître de face, une phrase d'eau pour commencer, une conversation de source, la rigole, la rivière nomment encore le torrent, le vertige de nommer.

Il lui faut empoigner la vie... la vie toute nue. Il va, evviva, il va lire dans les forêts, avec l'éclat de l'eau aux oreilles, le chant de l'eau à l'oeil. Il

dit : l'eau est l'écho du silence. Il se dit qu'il est difficile de commencer au commencement. Dans le vertige, lui vient la matinale nudité d'un mot, d'autres mots. C'est le nu qui lui revient, qui le retient ici, qu'il retient. Il se dit soudain : J'emploie les mots à la source dans leur innocence première. Le moindre mot lui est goutte d'eau dans la gorge, avant toute parole. Il note in petto, marchant, la terre, l'eau et le gel à pierre fendre, les minéraux, la pierre, la roche et la veine, les carapaces d'animaux, l'arbre et les branches, la forêt et les fleurs, l'herbe et le brin d'herbe, l'oiseau et les notes sur une ligne. Le lieu est natal, nodal. Evviva. Il dit : J'aimerais que le dernier mot soit le même mot que le premier. Une langue lui vient, de crêtes et de creux, à la fois humble et haute, accordée aux notes prises sur le vif, evviva, accordés à d'incessants mouvements.

 

 

Au cœur de cette forêt de chênes et d'hêtres, il noue cette conversation de source et une forme de vivre, il marche sur ce lieu-dit, littéralement, et il ne revient jamais tout à fait du commencement du monde qu'il lit, du silence et des mots traversés sous les sens et dans tous les sens.

Parle, dis encore le mot

qui fera du silence la maison.

Près de la forêt, de la rigole, de la rivière, il a une maison. Il m' y écrit, toujours avec peu de mots sur une carte. Quand il va marcher, il y a des ombres. Ces ombres sont chemin et donnent la lumière jusqu'à l'air. Elles sont traces de ciel et de soleil pour ne pas laisser la terre seule.

C'est d'origine.

 

 

Les mots en italiques sont  essentiellement  de  Joseph Delteil, mais aussi d'Eugénio de Andrade et Jacques Dupin.

 

 

  • venant de l'occitan : amantastar : pêcher à la main, également pescar lo peis dins lo cros, la gaunha : pêcher le poisson à la main sous une pierre dans un creux de rivière (source : Joan Pau Creissac)

 

      1. mai – 26 juillet 2020

 

Copyright  Jean-Gabriel COSCULLUELA  Cahiers de la montagne noire

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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