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Maison de la Poésie Jean Joubert

Le blog de la Maison de la Poésie Jean Joubert

OUVERTURE du PRINTEMPS DES POETES

OUVERTURE du PRINTEMPS DES POETES
OUVERTURE du PRINTEMPS DES POETESOUVERTURE du PRINTEMPS DES POETES

OUVERTURE du PRINTEMPS des POETES

En mémoire de Frédéric Jacques TEMPLE    1921-2020

L’hommage de ses amis

En 2021, Frédéric Jacques TEMPLE aurait eu 100 ans…

Il nous a quittés le 5 août 2020.

Sous forme de textes témoignages, de poèmes- hommages, et de lectures enregistrées de ses poèmes, ses amis poètes se souviennent de lui…

JEAN-PIERRE SIMEON, JAMES SACRE, JEAN-BAPTISTE PARA, BRUNO DOUCEY,  RENE PONS, HABIB TENGOUR, JEAN-PIERRE VEDRINES, JACQUES GUIGOU, NICOLE DRANO-STAMBERG, GEORGES DRANO, PIERRE MANUEL, JEAN-GABRIEL COSCULLUELA, JEAN-CLAUDE FORET, BENJAMIN GUERIN, LUIS MIZON, STEPHEN BERTRAND, JACQUY GIL, FRANC DUCROS, MICHAËL GLÜCK, PATRICK QUILLIER, GERARD LIEBER.

 

En mémoire de moi

 

Lorsque tu iras aux collines de mai

voir se lever une lune de cuivre,

un grand genêt d’abeilles jaillira,

bourdonnant de mon cœur, entre tes bras,

en mémoire de moi

 

Lorsque livrée aux lumières des plages,

tu fouleras les sables d’autrefois,

un bel oiseau d’écume chantera

comme un cristal dans le soleil des âges,

en mémoire de moi.

 

Lorsque endormie, à toi-même donnée,

environnée du vol des souvenirs,

la nuit sera ta blanche solitude,

un silence de fleur t’éveillera,

en mémoire de moi.

 

Lorsque étrangère, en une ville de douleur,

l’aube durcira tes paupières,

les douces larmes d’une pluie d’été

te berceront de musiques lointaines,

en mémoire de moi.

 

Frédéric Jacques Temple, Anthologie personnelle, Actes Sud (1989)

JEAN-PIERRE SIMEON

OUVERTURE du PRINTEMPS DES POETES

JEAN-PIERRE SIMEON est poète, romancier, dramaturge, critique. Président du jury du Prix Apollinaire depuis 2014, il dirige depuis 2018 la collection Poésie/Gallimard.
Il a été directeur artistique du Printemps des Poètes de 2001 à 2017.

 

Frédéric Jacques Temple

 

Frédéric Jacques était droit

Se tenait toujours droit droit toujours

Physiquement et moralement

Arbre chenu

Lourd du lichen des ans

Et comme un arbre

Guetteur ou veilleur dans l’ouvert

Attentif comme un arbre

Aux ciels multiples

À l’espace sans mesure

Peuplé de chants et de douleurs

Proche des simples

(Je parle des herbes et des êtres)

Simple lui-même

Tout d’une pièce

Franc comme la pierre levée qui ne cache rien

Homme de peu de mots

Mais pleins fermes et chauds ces mots

Comme galets chauffés au soleil

Frédéric Jacques vivait dans l’amitié du monde

Le rencontrer

C’était sortir de l’inutile et du bavard

Pour entrer dans cette amitié

Frédéric Jacques vous regardait vous écoutait

Vous regardait vous écoutait vraiment

Comme si vous y étiez un oiseau une pomme un amandier un lézard

Puis il vous gardait au chaud dans sa mémoire

Frédéric Jacques n’oubliait pas

Chacun de ses poèmes était un mémorandum

Sa poésie une mémoire de l’amitié du monde

Frédéric Jacques a été ceci et cela

Comme ci et comme ça

Tout ce que vous voulez

Mais il était pour tout en tout et partout

Poète

Poète intègre et intégral

Comme doit être à mes yeux un poète

Riche de tout ce qui ne se possède pas

Et qu’il distribue dans sa parole

Naturellement

Comme un cerisier de printemps sa clarté

La poésie de Frédéric Jacques Temple

N’en finira pas de dispenser sa clarté

Jean-Pierre Siméon

26 février 2021

JP Siméon

Poème de Frédéric Jacques TEMPLE, Un homme meurt, lu par Jean-Pierre SIMEON.

La chasse infinie et autres poèmes (Poésie/ Gallimard)

 

Jean-Pierre Siméon lit Un homme meurt

JAMES SACRE

OUVERTURE du PRINTEMPS DES POETES

Auteur d'une oeuvre poétique riche d’une cinquantaine d’ouvrages, publiés chez divers éditeurs (Gallimard, André Dimanche, Tarabuste, Le Castor Astral, Al Manar, Le Dé Bleu, Méridianes…), James SACRE, né en 1939, est " l'une des écritures les plus marquantes d'aujourd'hui, l'un des paysages introspectifs qui nous touchent unanimement. Un chant reconnaissable, le nôtre." (Jacques Bonnaffé)

 

À celui qui marchait dans le soleil, à Taos

À Taos, à Tesuque

J’entends ton nom Frédéric Jacques Temple

En bruit courant d’eau vivante

(En même temps que du vent et la poussière du temps).

 

Beaucoup de jours

Entre hier et ce qui ressemble

À de l’éternité. Beaucoup de jours, comme tu as dit

Autant qu’il y a de genévriers

Dans les collines de Santa Fe.

 

On entend dans tes livres

Des bruits d’enfance rêvée, des fureurs

De guerre, on entend maintenant

Le temps qui a partagé

Comme l’eau fait passant

Par le milieu du pueblo de Taos.

 

Le temps qui partage,

Mais les danseurs à Tesuque, tes livres

Le monde continué, tes mots.

 

Nous marchons dans le soleil de tes mots.

JAMES SACRE

 

Vidéo

James Sacré lit:

A celui qui marchait dans le soleil , à Taos  de James Sacré

 et Westbound, de Frédéric Jacques Temple (Foghorn, anthologie personnelle, Actes Sud)

JEAN-BAPTISTE PARA

OUVERTURE du PRINTEMPS DES POETES

 

Poète, critique d’art, traducteur, Jean-Baptiste PARA dirige depuis 2010 la collection bilingue « D’une voix l’autre » aux éditions Cheyne.Sur les ondes de France Culture, il a animé avec André Velter  l’émission  « poésie sur parole ». Il est rédacteur en chef de la revue Europe.

Frédéric Jacques Temple, l’« arbre voyageur »[1]

 

Frédéric Jacques Temple aurait eu 99 ans le 18 août dernier. Il est décédé le 5 dans sa maison d’Aujargues. Dans « Calendrier du Sud », un cycle de brefs poèmes sur les douze mois de l’année, on lisait pour le huitième : « Le mois de ma naissance / Invincible torpeur / dans la sueur pesante. / L’aigre violon du moustique / perce la nuit molle. / Il faut durer / jusqu’à l’orage. » Cet homme fraternel et solaire aura encore eu la joie de voir paraître au début 2020 un volume rassemblant l’essentiel de son œuvre poétique dans la collection Poésie / Gallimard, La Chasse infinie et autres poèmes, avec une lumineuse préface de Claude Leroy. On sait que Frédéric Jacques Temple, né à Montpellier en 1921, a compté parmi ses nombreux amis Blaise Cendrars, Henry Miller, Lawrence Durrell et Joseph Delteil. Si l’on regarde à grands traits le chemin de sa vie, on constate que son expérience humaine a été marquée en profondeur par l’histoire autant que par la géographie. L’histoire, ce fut surtout, pendant la Seconde Guerre mondiale, sa participation aux derniers combats contre l’Afrikakorps puis au débarquement du corps expéditionnaire français du général Juin en Italie, les combats dans les Abruzzes, les batailles de Monte Cassino et du Garigliano, un peu plus tard le débarquement en Provence. Quant à la géographie, elle concerne les séjours de Frédéric Jacques Temple sur l’un et l’autre bord de la Méditerranée, ses voyages en Europe, ses périples en Amérique, en particulier chez les indiens Navajos et sur les rives du Saint-Laurent.

« Les poèmes — disait Rilke — ne sont pas des sentiments, ce sont des expériences. Pour écrire un seul vers, il faut avoir vu beaucoup de villes, d’hommes et de choses. Il faut connaître les animaux, il faut sentir comment volent les oiseaux et savoir quels mouvements font les fleurs en s’ouvrant au matin. » Ces expériences dont parlait Rilke, l’œuvre de Frédéric Jacques Temple y puise sa sève. Sa poésie respire les sucs de la terre, des plus délicats aux plus corsés, elle laisse chatoyer en elle les couleurs du monde, des plus vives aux plus incertaines, et le souffle qui l’anime semble mêler en lui l’air natal et tous les vents du large.

« Je suis un arbre voyageur / mes racines sont des amarres // Si le monde est mon océan / en ma terre je fais relâche ». Frédéric Jacques Temple nous livre cet autoportrait dans un poème emblématique où se dessinent les deux axes de sa poétique, celui de l’horizontalité, placé sous le signe de la pérégrination à travers le monde, et celui de la verticalité qui ne concerne pas seulement l’indéfectible tendresse pour son Ithaque méditerranéenne, mais se déploie vers les profondeurs telluriques et les origines de l’espèce humaine. Se souvenant de ses jeunes années, le poète écrivait : « Les forces élémentaires m’ont accompagné tout au long de mon enfance et je me suis plu au commerce des puissances chthoniennes. Je me souviens de l’odeur animale des cavernes et des remugles paludéens. » Dans sa jeunesse, Temple avait pratiqué la paléontologie et, comme il l’écrit dans Le Chant des limules, il est resté durablement fasciné par « le foisonnement ténébreux de l’âge primaire ».

Il y avait chez Frédéric Jacques Temple un profond et sensuel amour de la vie. Son œuvre en témoigne, dans sa luxuriance verbale qui se soustrait résolument à l’emphase, mais relie en plénitude la richesse de la langue au foisonnement du monde. « Qu’est un papillon ? » demandait-il. « Rien, s’il n’est nommé vanesse, machaon, flambé, zygène, bombyx, phalène ou uranie. » Comme l’a remarqué Claude Leroy, chez ce poète, « le mot rare est le mot juste ».

Frédéric Jacques Temple avait à plusieurs reprises collaboré à Europe. Récemment encore, il avait eu à cœur de nous confier des textes sur Joseph Delteil et Mohammed Dib. Notre affection pour l’homme et le poète ne faisaient qu’un. Dans « l’épaisseur souveraine du temps », cette lumière demeure.

 

Jean-Baptiste Para

 

 

 

 

[1]. Texte paru dans Europe n° 1099-1100, novembre-décembre 2019.

Jean-Baptiste PARA lit  Sud Express de Frédéric Jacques Temple ( Foghorn, La chasse infinie et autres poèmes, éditions Gallimard)

https://youtu.be/3C5r8-QULCs

 

 

 

 

BRUNO DOUCEY

OUVERTURE du PRINTEMPS DES POETES

Poète, éditeur de poètes, écrivain. Responsable des Éditions Seghers pendant quelques années, il fonde en 2010 sa propre maison d’édition : Les Éditions Bruno Doucey, vouées à la défense des poésies du monde et aux valeurs militantes qui l’animent.

 

Lettre au poète qui lisait des romans

d’aventure

 

 

Tu naquis un jour d’orage et de pleine lune

l’année où Blaise Cendrars ouvrit les portes

de son royaume nègre

je suis né quelques semaines après sa mort

       bourlingueur reclus rue José-Maria-de-Heredia

tandis que tu revenais d’un voyage chez les Indiens

pueblos

 

1942 déjà Carco

te conseille d’envoyer tes poèmes à Pierre Seghers

soixante ans avant que mes mains équarries

ne se posent sur le gouvernail de son bateau

pour un voyage autour du monde trop vite interrompu

 

Vingt-deux ans pleine guerre

ton ombre sentinelle au pas de nos errances

quand le Corps expéditionnaire français

parti des Abruzzes

délivre les Vosges et le Jura

où rêvent mes parents dans la nuit de l’enfance

 

Alger la route des casbahs

l’Adrar des Iforas et la vallée du Mzab

ta passion saharienne prend corps

dans le brasier des jours et le sortilège des nuits étoilées

où jadis un de mes aïeux

       sabre et daguerréotype

découvrit l’incandescence des paysages

le regard des enfants et la beauté des femmes

 

Désert qui te traverse Frédéric Jacques Temple

cadastres de l’absence

où nul ne peut demeurer le même

désert qui t’irrigue telle une embardée

de Frédéric Louis Sauser

quand le vent des solstices griffonne dans ton cœur

sa moisson de lumière et sa moitié d’hiver

 

1960 tu passes chez Seghers pour signer ton Lawrence

comme le bras se tend sur le pont d’un steamer

qui offre ses amarres à la courbe d’une anse

je goûte l’océan dans les eaux de ma mère

 

Quarante ans nous séparent

et je parle tout bas de Pichette et Miller

de Joseph Delteil et Valery Larbaud

sans jamais me contenter de la salle des cartes

 

Quarante ans nous séparent

mais je retiens en mes amonts

tant de poèmes de Follain, de Malrieu, de Richaud,

et de l’ami Depestre en bon loa du fleuve

que nos filets se mêlent au pied du cabestan

où des poissons d’argent innervent le présent

 

Quarante ans nous séparent

mais je sais le soleil sur le fronton du soir

l’éternité précaire des murets de pisé

où de grands eucalyptus déposent leurs ombres

odorantes

 

Demain qui sait

 

La maison est en flammes

mais j’emporte le feu.

 

 

Bruno Doucey, S’il existe un pays

© Éditions Bruno Doucey, 2013.

Bruno DOUCEY lit les SIRVENTES , de Frédéric Jacques TEMPLE (Par le sextant du soleil, éditions Bruno Doucey, 2020)

Sirventès de Frédéric Jacques Temple (Par le sextant du soleil, éd. Bruno Doucey 2020)

RENE PONS

OUVERTURE du PRINTEMPS DES POETES

Né à Castelnau-le-Lez en 1932, René PONS, durant ses études à  Montpellier, a rencontré  Vincent Bioulès, Claude Viallat, Jean Azémard, Patrice Vermeille puis Alain Clément. A été professeur à l’Ecole des Beaux-Arts de Nîmes. René Pons a écrit plus d’une trentaine d’ouvrages  publiés chez Gallimard, Actes Sud, Fata morgana, Brémond, Le Réalgar, Le Castor Astral, L’Amourier, Méridianes, et a participé à de nombreux livres d’artistes.

Après la guerre et ses horreurs, Montpellier était encore une ville endormie, cette ville pétrée dont parle Valéry, avec ses habitudes et ses personnages que l’on croisait quelquefois dans la rue et qu’on ne pouvait pas ignorer. Temple était de ceux-là. Je ne le connaissais pas encore, mais sa stature et son apparence de force calme m’impressionnaient.

Plus tard, lorsque je le connus, par l’intermédiaire de Vincent Bioulès, je m’aperçus qu’il avait une voix douce, qu’il savait écouter et qu’il aimait rendre service. Nous devînmes amis et j’allais de temps à autre lui rendre visite dans son bureau de directeur de la radio, boulevard Sarrail, où l’on pouvait voir une planche peinte de Claude Viallat, jeune peintre encore inconnu, représentant un long taureau noir. Car Temple, chasseur, pêcheur, et amateur de taureaux, n’en déplaise aux sectaires animalistes et antispécistes, aimait la nature, la terre, la Pachamama, à la façon des indiens qu’il admirait et auxquels il a consacré de nombreux textes ou poèmes. Il avait parfaitement conscience de la catastrophe qui menace l’humanité, et dans son dernier livre, Une longue vague porteuse, il écrivait, résumant des considérations impitoyables sur les ravages du tourisme et, plus généralement, du comportement des hommes : « La mer et la terre sont devenues de vastes poubelles sur lesquelles règne une humanité suicidaire ».

Étrangement, à un moment donné de ma vie, et pour des raisons que je n’ai jamais bien élucidées, je me suis écarté de mes amis et, en ce qui concerne Temple, sans la moindre inimitié. Lui-même le déplore dans ce dernier livre, qu’il m’envoya en le qualifiant de débris de mémoire.

« Prolifique, ce mot convient pour qualifier l'écrivain René Pons dont j’ai été assez proche jadis, mais qui s’isole depuis quelques années... D’anciennes photos nous montrent dans la garrigue en été, à l’ombre des chênes verts, accroupis devant un lit de braise sur lequel grillaient des saucisses ou des côtelettes d’agneaux ».

Moi aussi, je me souviens de ces moments et je reviens en pensée vers cet homme si amical, qui m’intimidait pourtant, et je ne peux que regretter, trop tard évidemment, de ne pas avoir mieux cultivé sa sympathie, car il avait le don rare de l’amitié et de la fidélité.

René Pons

 

 

Patrick Hannais lit le poème choisi par René PONS, Révolte ( Périples, La chasse infinie et autres poèmes, Poésie/ Gallimard, et Phares, balises et feux brefs, éditions Bruno Doucey)

Révolte, de FJT, lu par P.Hannais

HABIB TENGOUR

Habib TENGOUR,  poète et anthropologue, est né en 1947 à Mostaganem.Il a publié une vingtaine d’ouvrages (poésie, prose, théâtre, essais). Sa poésie est traduite en anglais, allemand, italien, arabe et d’autres langues. Il est lui-même traducteur de poètes de langue arabe et de langue anglaise. Il dirige depuis le printemps 2018 la collection « Poèmes du monde » aux éditions APIC à Alger.

OUVERTURE du PRINTEMPS DES POETES

Fandango Gai au Tournant du siècle

à Frédéric Jacques Temple

 

To claim my nook, to need my knell,

Time for them all to stand and tell

Of my day’s work as done.

“Je voudrais qu’il soit l’heure de dire adieu

De commander mon lopin de terre et mon glas,

L’heure pour tous de tenir là

Et de dire que ma tâche est terminée. »

 

Thomas Hardy, « La complainte de Tess », in Poèmes du

Wessex, trad. F.J. Temple

Fredaines fantômes à mi-chemin du jour
Rappelant l’impatience des passereaux
Quand se précise l’heure de la migration


Jubilation sur les branches des platanes
Ton regard transperçant les ombres
Attablées sous un parasol


Terre et ciel abdiquant toute tension
Se consultent pour trouver mesure du chant
Propice au siècle qui s’annonce

(Lire la suite dans le PDF)

FANDANGO GAI AU TOURNANT du SIECLE HABIB TENGOUR à FJT

LUIS MIZON

OUVERTURE du PRINTEMPS DES POETES

Luis Mizon est né en 1942 à Valparaiso. Historien, écrivain, poète, peintre, il a publié de nombreux recueils de poésie, aussi bien en espagnol qu’en français, ainsi que de nombreux livres d’artistes.Auteur également de romans et d'essais.Son oeuvre poétique est traduite principalement par Roger Caillois, puis par Claude Couffon. En 2017, il a été décoré de l’Ordre de Gabriela Mistral pour l’ensemble de son œuvre.

CAR BON CHEVALIER IL ETAIT

Notre amitié a commencé à Collioure. Nous nous sommes rencontrés près de la célèbre église, dont les égoûts sortent des murs au droit des confessionnaux et s'écoulent dans la mer.  

Nous  étions venus pour participer à la réunion annuelle de l’Association des amis d'Antonio Machado. Claude Couffon, mon traducteur, nous présenta.Un réfugié espagnol, Manolo Valiente, qui s'occupait de la tombe du poète et de sa mère y avait installé une boîte à lettres, offerte par la municipalité de Collioure, pour communiquer avec le poète.  Pablo Casals lui avait rendu hommage en jouant sur sa tombe, seul et sans public, le Cant des ocelles.

   Comment est née notre amitié ?

 La poésie, bien sûr, nous unissait, mais aussi la passion des ailleurs que Fréderic partageait avec Claude.

La passion de connaître d’autres pays, d’autres cultures, d'autres horizons où la poésie trouve sa nourriture et se transforme en une forêt d'échos et de chemins qu'elle apporte à notre culture française, ouverte et très ancienne.

Frédéric était un ami de Blaise Cendrars, de Joseph Delteil, mais également de Laurence Durrel et d'Henri Miller, qu’il traduisit.  Il connaissait bien les Etats-Unis. L'Amérique du Sud l'attirait beaucoup, depuis qu’il avait lu  Les Fils du Capitaine Grant,  de Jules Verne.

Avant chacun de mes voyages au Chili, il me demandait de lui rapporter une plume du condor. Lorsque je lui ai offert une plume, d’un oiseau plus accessible, Frédéric l’accepta comme si elle avait été arrachée à la couronne du roi des hauteurs enneigées.

Frédéric m'invita une année au Mont Saint Michel, dont l'abbé était le père  dominicain Bruno de Senneville.  L’Abbé était poète, ami de Claude Couffon et avait, lui aussi, la passion de l'ailleurs. 

Sur le Mont Saint Michel, j'ai obtenu grâce à Fréderic et Claude, l'une des plus grandes distinctions qu'un poète vivant puisse recevoir : la remise du trousseau des vieilles clés de l’Abbaye, pour ouvrir toutes les portes que je voudrais pendant mon séjour.

Fréderic avait un véritable culte de l'amitié. Il dédicaçait des poèmes à ses amis et leur écrivait toujours durant ses voyages, depuis les hôtels d'Irlande ou de Venise. Je n'avais malheureusement pas cette coutume humaniste, intelligente et cultivée, ce que j'ai toujours regretté.

Cette année 2020 Frédéric frôlait déjà 100 ans d’âge. 

J'ai décidé de lui dédier quelques poèmes dans lesquels se mélangeaient les lieux et les horizons qu'il avait fréquentés ou rêvé dans sa vie. 

Les immenses champs céréaliers des États-Unis, les restaurants Art Déco avec leurs vernis sombres, à la tombée de la nuit dans les grandes villes, les migrants sur le pont des bateaux, les animaux et les fleurs sur les marchés d'Amérique du Sud, la lune et les déserts du nouveau Mexique ou les arbres qui chantent l'appel à la prière en Afrique du Nord.

C’est ainsi que sont nés les 26 poèmes à F.J.T.

Avant que Frédéric ne meure, il les a lus et il a pu écrire à mon éditeur Roland Chopard pour lui exprimer sa joie. Le peintre Alain Clément, un autre grand ami de Fréderic, les enrichirait de son travail.

Quand quelque chose le dérangeait Frédéric, avait l’habitude de siffler, très bas, très calmement jusqu'à ce que les nuages de la tempête s'éloignent. J'imagine que c’était ce qu’il faisait pendant la bataille du Monte Casino, dans le char blindé qu’il commandait. Il savait siffler entre les bombes. 

  Quand la mort est venue frapper à sa porte, dans sa villa d'Aujargues, le poète Fréderic Jacques Temple était déjà prêt à la recevoir et disposé à la suivre dans le grand ailleurs.

Rafael Alberti, traduit par Claude Couffon, écrivait sur le poète des poètes, Garcilaso de la Vega :

“Si Garcilaso volviera

Yo seria su escudero

Que buen caballero era”

 

"Si Garcilaso revenait

Je serais son écuyer

Car bon chevalier il était."

 

On pourrait résumer Fréderic Jacques Temple en ces mots :

" bon chevalier il était" 

Luis Mizon

 

 

 

 

 

 

Patrick Hannais, comédien, lit un extrait de Pierre Levées, ouvrage écrit en duo Luis Mizon/ FJTemple, éditions Méridianes

Pierres levées, texte de FJTemple, extrait lu par Patrick Hannais

JEAN-PiERRE VEDRINES

OUVERTURE du PRINTEMPS DES POETES

Jean-Pierre Védrines est né dans l’Hérault, à Lunel. Poète, peintre, romancier, critique, il a dirigé la revue Souffles de 2003 à 2010 avant de fonder, en 2011, avec un groupe d’amis, la revue poétique et littéraire La main millénaire.

                 la nuit dans le silence, dessin de Jean-Pierre Védrines, 2017.

la nuit dans le silence, dessin de Jean-Pierre Védrines, 2017.

Un homme de silence

Je  l’avais entendu marcher plusieurs fois dans le ciel. Il attrapait les étoiles en riant dans sa barbe. Il écrivait des poèmes. Il buvait du vin. Mais je l’avais aussi entendu fouler la terre, cette terre où, disait-il, il était couronné de bonheur.  

L’homme était debout en lui.   L’existence entre ses mains paraissait simple et belle. Que ce soit le frémissement des peupliers ou l’ocre du ciel, tout portait la trace de son cœur. Frédéric Jacques Temple était un homme de silence qui cheminait à la crête du vent, un coureur de routes, un arbre voyageur.

( lire la suite dans le PDF)

Un homme de silence - Jean-Pierre Védrines

JEAN-CLAUDE FORET

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Jean-Claude Forêt, auteur de romans, de poésie et de théâtre en occitan vivarois et languedocien, a enseigné à l'Université Paul-Valéry Montpellier 3 la langue et la littérature occitane. Il anime et préside les éditions occitanes Jorn.

Temple, l'Esprit des lieux

 

Quand disparaissent les gens que nous aimions, où va se loger leur absence ?

Quelle forme prend l'informe néant dans lequel ils se sont résorbés ?

Certains êtres perdus sont devenus esprits des lieux.

Parce qu'ils ont parlé de tel endroit avec les mots qui convenaient, il suffit aux vivants de s'y rendre pour que s'accomplisse le douloureux miracle de leur présence.

Elle s'y fait sentir dans le souffle du vent, dans les espèces végétales ou la forme des rochers, dans la sauvagine furtive et la couleur du temps.

 

Temple s'est réincarné dans le pays des Templiers, dont ses ancêtres, aimait-il à croire, étaient les serfs ou serviteurs.

Réincarné n'est certes pas le mot juste.

Il s'est dissous dans l'air immense du Larzac, accomplissant un vœu d'enfance.

 

« Enfant, berger de mes troupeaux de rêves,

j'allais foulant la folle avoine

sur les ardents plateaux déserts

où règne la senteur enivrante des buis...

J'allais à travers les cheveux d'ange

escorté de chardonnerets

éperdu

indifférent aux lendemains. » [Périple, I, Larzac]

 

Temple est désormais indifférent aux lendemains.

Il est sorti de sa langue d'exil, sa seule langue d'écriture, le français, pour retrouver l'amour de loin, la langue d'oc perdue, entendue à l'aube de sa vie.

 

« Femme lointaine

est ma langue première

dont je suis en exil

dans la froide lumière

des étoiles perdues » [Profond pays, I, Exil]

 

Il peut désormais converser en plein vol avec les oiseaux, ses amis de toujours, même les plus sauvages et les moins fréquentables.

 

« C'est en langue d'oc

que les craves parlent

aux bergers perdus

dans les graminées » [Foghorn, Sud, Larzac]

 

Voilà ce qu'on se dit et les poèmes qu'on se récite en vagabondant sur le Larzac.

On passe devant les dolmens qu'il a peut-être fouillés, petit garçon, avec son oncle Blaise, et dont les noms s'égrènent comme les mots d'un poème : le Jonquet, la Fabière, Coste-Caude, la Prunarède, Ferrussac...

L'âme des morts enfouis « au secret dans l'ombre ignorée / des dalles tumulaires » n'a jamais habité ces lieux clos.

Ce néant qu'on appelle âme s'est évaporée dans les airs.

Il parle « dans le thrène du vent parmi les herbes rases ».

 

Temple s'est dissous dans ses paradis d'enfance, sur le Larzac, sur Haute Plage, les bords du lac Champlain ou le pueblo de Taos.

Il est devenu l'esprit de tous ces lieux, et les vœux vaporeux du garçonnet qu'il a été sont maintenant exaucés, mais, par une ironie propre à notre condition, il ne le sait pas, ne le saura jamais.

La conscience des morts reste au seuil du paradis qu'ils habitent désormais.

C'est le privilège des vivants d'entrevoir le paradis rêvé par ceux qui ne sont plus et c'est le somptueux présent des poètes de nous y introduire à leur place.

 

 

Jean-Claude Forêt

 

BENJAMIN GUERIN

OUVERTURE du PRINTEMPS DES POETES

A la fois poète, potier et philosophe, Benjamin GUERIN est installé à Peyre-en-Aubrac, en Lozère. Son dernier recueil, Chants du Voyageur, est dédié à son ami Frédéric Jacques Temple. Membre du comité de la revue NUNC, il publie dans EUROPE, ARPA et il est traduit en anglais dans Gutter Magazine (Ecosse). Pour ses lectures publiques, il a travaillé avec la chanteuse lyrique Roula Safar, Simon Eine de la Comédie Française et Thomas Pouget. Il donne par ailleurs des conférences, notamment sur le poète Benjamin Fondane (universités de Yale, Sorbonne, Montpellier,…).

OUVERTURE du PRINTEMPS DES POETES

Ma complicité avec Frédéric Jacques Temple me faisait parfois oublier le détail insignifiant des soixante années nous séparant. Mais qu’est-ce qu’une soixantaine d’années pour des poètes qui essaient de chanter l’éphémère et l’immémorial ? — Une bagatelle, rien de plus sans doute. Ce qui nous rapprochait était plus fort, car nous puisions tous deux aux mêmes sources, aussi bien notre écriture que notre posture face à l’existence. Nous menions tous deux la chasse infinie, celle des sauterelles et de la poésie. Et chacune avait pour nous la même importance pour faire battre la vie.

            C’est seulement pour des raisons pratiques que parfois, je me surprenais à pester de n’avoir eu trente ans de plus, et lui trente de moins, avec sa carrure de boxeur et son air de marin. Nous aurions pu partir ensemble, à l’approche, dans l’espace infini des herbes jaunies de l’Aubrac, passant devant les pierres plantées, inscrites dans le paysage comme des figures tutélaires, pour nous rappeler que l’homme est homme depuis la nuit des temps, lorsqu’il bouge la pierre et lorsqu’il emprunte des chemins. Cela aurait tissé en nous davantage la conscience intime de cette humanité, partagée depuis des millénaires, qui est finalement à la source de nos poèmes et de notre rapport au monde. Nous nous serions ainsi aventurés sur des chemins qui ne mènent nulle part, ceux qui traversent la forêt sur les sommets de la Tour dans le Bougès cévenol. Et à force d’arpenter à bon pas ces sentiers tracés par des bêtes passées avant nous, nous aurions certainement fini par les connaître et rencontrer le lièvre ou la biche, sous les cris du geai, pour un moment de vie, sans plus penser à la poésie. En rentrant, nous aurions été simplement vivants, pleins de l’effluve de ces bois, auxquels nous aurions pour un temps appartenus, comme revenus d’une expédition fantastique. Et au soir, nous aurions partagé le vin et les histoires, s’imaginant remonter chaque sente explorée, comme autant de fils d’Ariane nous autorisant à nous perdre un peu plus, dans la profusion labyrinthique des arbres. Librement. Et nous aurions ri en réalisant qu’à force de parcourir ces bribes de chemins, nous avons finalement fait le tour de la forêt, en tournant en rond. Rêveurs en regardant les étoiles et baignés par ce silence plein de confiance que seul peut offrir l’amitié, nous aurions alors songé qu’il en va de la nature comme de nos existences : ce n’est qu’en s’y perdant avec fougue qu’on en fait pleinement le tour, et ce tour n’est jamais définitif, mais toujours renouvelé, comme le mouvement même de la vie.

            L’horrible bête ignoble nous a rattrapés et le temps nous a manqué. Frédéric avait pourtant su tirer la langue à la mort, avec force et espièglerie, pour lui préférer la vie — et ce jeu durait depuis si longtemps, qu’on avait tous fini par croire que la vie pourrait gagner. Alors nous avons trainé avec bonheur, refusant de nous presser pour prolonger la vie, comme un pied de nez à l’évidence de la fin. Cette évidence qu’on ne peut changer, mais qu’on ne peut pas pour autant accepter. Nous n’avons pas eu le temps de faire cette lecture commune à la Maison de la Poésie, comme le souhaitait Annie Estèves, car Frédéric est mort en août 2020, baigné dans la lumière de cet été où je marchais dans les bois de Lozère et les rues de Perpignan, en lisant à haute voix pour les oiseaux et les passants les poèmes de son Sirventès, son dernier livre écrit par le sextant du soleil. Et je me rappelle des signaux inquiets échangés avec Brigitte, que me rappelait dans la cité catalane chaque « femme de Maillol », et qui l’a accompagné avec courage et dignité pour lui permettre jusqu’à la mort de goutter le miel de la vie.

            Frédéric Jacques Temple a ce pouvoir délicieux de plonger tout simplement dans la vie, n’importe où, jusque dans les odeurs, les rires et les bruits de vaisselle. Sa voix me rappelle que la poésie est faite pour chanter la vie, même sur le fond déchiqueté de la mort qui s’obstine à venir, comme une malpolie. Elle me parle de mes voyages et du choix de l’ancrage dans ce pays languedocien, sa géologie et son histoire. Elle me parle d’écologie et d’environnement, lançant un pont par- dessus les erreurs du siècle, entre les attentes de ma génération et les savoirs oubliés d’un temps mythique du profond pays, d’une Arcadie qui apparait aujourd’hui comme un modèle d’utopie saine dans une période d’effondrement climatique.

            Notre amitié n’est pas née de la poésie, mais de la terre et puis du feu, car je suis potier. Je l’ai d’ailleurs rencontré à ce propos, pour lui parler de Jean-Paul Paulet, un pionnier de la céramique installé non loin de Montpellier, dont le Musée de St Jean de Fos m’avait chargé d’écrire la présentation à l’occasion d’une rétrospective lui étant consacrée. La première fois que je suis venu chez Frédéric à Aujargues, il m’a donc remis deux tablettes de terre cuite où il avait gravé avec son laguiole des poèmes inédits, du temps qu’il allait avec Jean Joubert rendre visite à  Paulet ; et moi, je lui ai offert une lune ronde, en terre polie, qu’il a de suite placée sur son bureau. Il m’a redit souvent qu’il aimait de temps à autre prendre dans ses mains cette ronde céramique, avec sans doute l’impression de caresser le monde. J’ai toujours associé ce travail de la céramique avec la poésie et il adorait ce genre d’histoires. Car le travail du potier renvoie aux origines et à l’essentiel, aux éléments. Le potier est celui qui mélange l’eau et la terre, il donne forme à un vide d’air sur la girelle et travaille ensuite avec le feu, auquel il offre ses pots, espérant qu’il les lui rendra intactes et peut-être sublimés par la marque des flammes. J’avais choisi la tradition des terres méditerranéennes antiques et non celle des grès bourguignons, et d’emblée cette commune lignée nous a rapprochés. Je lui racontais comment je travaillais, dans un four à bois, comme les Grecs du quartier du Céramique le faisaient à Athènes, il y a 2500 ans. Ensemble nous ne parlions pas de poésie. Mais de ce qui fait la poésie. Nous allions donc à l’essentiel, parlant de terre et de ces fameux galets de la Durance, rejetés sur la plage de Maguelone, qu’il peignait et dont je me servais, pour polir l’argile encore frais de mes bols entassés parmi les livres.

            Mon fils m’amenait en courant chacune de ses lettres, dont il reconnaissait l’écriture. Frédéric aimait les timbrer et les poster dans la boite, comme on lance un caillou au fond d’un puits, pour en attendre l’écho patiemment et aussi pour faire rire sa femme de cet enthousiasme enfantin. Je me plaisais avec lui à renouer avec l’art postal, jouant de l’excentricité des supports et des mises pages, tapant parfois à la machine pour lui épargner mon écriture serrée et noire ou lui envoyant le dessin d’une ciste. Quand il est mort, la fleuriste ne connaissait pas cette fleur et j’ai passé un bon moment à lui expliquer qu’elle devait être blanche, comme celles qui poussent vers Montpellier et qu’il aimait tant. Hélas il n’est plus possible de lui écrire et de le faire rire avec cette histoire. Mais souvent me vient l’idée d’écrire encore à l’ami Frédéric Jacques Temple, rue du Temple, juste à côté de la rue du Poète — où il avait eu l’élégance de ne pas habiter —, et d’attendre sa réponse. Car ma dernière lettre est restée sans réponse, même si je sais que ce fut la dernière qui lui a été lue.

Je me rappelle y avoir fait un dessin en coulant pour lui un peu de la terre de porcelaine et j’en ai gardé le brouillon qui voici :

« Frédéric, merci pour cette amitié née de la terre, en parlant de votre ami le potier philosophe de St-Guilhem-le-Désert et continuée au fil des lettres et des rencontres, dans la chasse de ce qu’il y a d’immémorial et d’essentiel dans ce monde, dans la soif de vie et l’écriture poétique, franche et sauvage, attentive à la vie qui bat dans une main, un sourire, un galet qu’on a peint, un oiseau ou une fleur de ciste. Amitié. »  

 

 

                                                                                              Benjamin Guérin

STEPHEN BERTRAND

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Né en 1967 à Nîmes, Stéphen Bertrand publie notamment dans les revues  Souffles, Europe, Autre Sud, ainsi que dans plusieurs anthologies éditées à l'occasion du Printemps des poètes (Editions Bruno Doucey). Ses travaux poétiques, édités chez Domens, Brémond, La Dragonne, le Castor Astral, tirent leur substance de ses nombreux voyages.

Un biographe dirait qu’à Fondamente,
dans le parc de la famille Temple
que vient toujours caresser la rivière,
un ancêtre naturaliste a jadis importé
en paroxysme de jardin ou en opulente réussite végétale,
des séquoias du nouveau monde.

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Un biographe dirait qu'à Fondamente...S.Bertrand

Stéphen Bertrand lit Caravane, de Frédéric Jacques Temple (Foghorn, Anthologie personnelle Actes Sud 1989 et La chasse infinie et autres poèmes, Poésie/ Gallimard 2020)

Caravane, de Frédéric Jacques TEMPLE, lu par Stéphen BERTRAND

JEAN-GABRIEL COSCULLUELA

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Poète aux origines aragonaises, Jean-Gabriel COSCULLUELA est né en 1951 à Rieux-Minervois (Aude) et vit en Haute-Ardèche, après avoir vécu plus de quinze ans à Montpellier et dans les Cévennes. A  été Conservateur des bibliothèques. Écrivain, traducteur de l’espagnol, éditeur, et commissaire d'expositions.
 

Pas d'adieu

Il n'y a pas d'adieu lorsque nous sommes en présence. Nous sommes toujours en présence de ses mots. Ici ou en voyage, Frédéric-Jacques Temple adresse toujours des mots aux amis. L'amitié est au cœur battant de ses livres. Depuis que nous nous connaissons – milieu des années 70, je le lis. Ces mots présents nous accorde l'hospitalité, ce sont des moments donnés. L'écriture, comme la vie, est un commencement, un recommencement, origine et épiphanie, dans des paysages, des lieux, des visages.

ARBRE

Je suis un arbre voyageur

mes racines sont des amarres...

Loin je suis près des origines

quand je pars je ne laisse rien

que je ne retrouve au retour (1)

De ce petit lieu de chênes, j'écris un nom. Je veux dire merci à Frédéric-Jacques Temple. A le lire, je ressens ce mouvement noué d'attachement et d'arrachement, de nomadisme. Je ressens ce que nomme aussi Bernard Noël : C'est peut-être cela l'écriture ; le comble de lieu et l'absence de lieu.

Dans Cela vient nu, il y a des mots en fabla, - c'est la langue du Haut-Aragon dans les Pyrénées espagnoles, dont je suis originaire. Et Coscojuela de Sobrarbe, c'est peut-être mon Fondamente. D'où je pars, où je reviens nécessairement. Il y a là une reconnaissance de paysages, de lieux, de visages dans le plus proche voyage et dans le plus lointain voyage.

Le 21 novembre 2014, La Maison de la Poésie de Montpellier, Annie Estèves, Jean Joubert et la Médiathèque de Castries, Brigitte Mora m'accueillent. Frédéric-Jacques Temple, accompagné de Brigitte Portal, vient de Sommières pour m'écouter lire et chanter textes et chansons (liés à mes origines). C'est la dernière fois que nous nous voyons. Proches. Ce n'est pas un adieu. C'est une présence. JGC

(1) Frédéric-Jacques Temple, Paysages, in La Chasse infinie, Paris, Gallimard,  coll. Poésie n° 548, 2019, p. 100. Précédentes éditions : Paris, Granit, 1995 & Remoulins-sur-Gardon, Jacques Brémond, 2004.

 

Jean Gabriel Cosculluela

Cela vient nu

                                                                                              À Frédéric-Jacques Temple

Il est une première fois, cela vient nu, c'est le moment de creuser d'autres premières fois, non pas perdues, mais qui nous manquent.

Nous n'avons plus le temps ni les histoires ni les voix, juste quelques visages qui se font jour comme ils se sont faits nuit.

Un désir nous vient nu de traverser un désert de lumière.

No acotalamos a luz caminando.como nunca no acotalamos a escurina.

Nous n'épuisons pas la lumière en marchant, comme nous n'avons jamais épuisé l'obscurité.

Sapemos o auguamanal da luz e da escurina, mesmo imbisibles en o corazón do beyible.

Nous savons la source de la lumière et de l'obscurité, même invisibles au cœur du visible.

Caminamos en o camino do ixupliu pa vevir o ixupliu.

Nous marchons sur le chemin d'oubli pour habiter l'oubli.

Nous traversons un paysage – est-il au fond abandonné, déshabité ? - , une maison, une porte, une fenêtre, une table, elles  ont gardé la lumière et l'obscurité. Il n' y a pas de voix autour de la table. Juste quelques visages  qui se font jour comme ils se sont faits nuit.

Denzima a mesa espullada, iste maitín.

Il est une première fois, cela vient nu, c'est le moment de creuser d'autres premières fois, non pas perdues, mais qui nous manquent. Sur la table nue, ce matin (1), nous disons notre joie de retrouver ces visages, vies silencieuses.

Nous n'avons pas encore de mots pour nommer les choses, retrouver quelques noms dans la langue de l'oubli.

Il est une première fois, nos mots viennent du commencement, du recommencement de ce profond pays 2). Iste fundo país. Ista funda terreta.

Nous nommons d'abord sa langue, longtemps confondue avec l'oubli, nous nommons le désir de cette langue en habitant l'oubli.

Chacun se dit : cette langue est

ma langue première

dont je suis en exil

dans la froide lumière

des étoiles perdues (3).

Nous écrivons, à voix basse, que notre histoire reste toujours inachevée, pour veiller la lumière et l'obscurité, et la lumière au cœur de l'obscurité. Vive. Il est une première fois : nous écrivons comme nous écoutons la lumière des étoiles perdues.

O zielo da fabla ye entablau con a tierra do inizio,  do inizio nuevamén das estrelas perdias.

Le ciel de la langue  se donne à la terre du commencement, du recommencement des étoiles perdues.

Isto viene espullado e isto no tien fin.

Cela vient nu et cela n'a pas de fin.

O alfabeto ye astí, astí, allí pa aturar a luz. Allá luen, deseyanos ir allá luen dica tornar, aturar a luz, o silenzio tramalla pa alcontrar belunas parabras en a fabla do ixupliu.

L'alphabet est ici, là, là-bas pour retenir la lumière. Plus loin, nous avons le désir d'aller plus loin jusqu'à revenir,  retenir la lumière, le silence fait chemin pour trouver quelques mots dans la langue d'oubli.

Nous écrivons. Ecrire sans casser le silence (4). La nuit et le jour ne restent pas désoeuvrés sur le temps.

21 juillet 2020

  1. Jacques Dupin, Une Apparence de soupirail, Paris, Gallimard, 1982,  coll. Blanche, p. 80
  2. Frédéric-Jacques Temple, Profonds pays, in La Chasse infinie, Paris, Gallimard, 2019, coll. Poésie n°548, p. 131
  3. Frédéric-Jacques Temple, Profonds pays, in La Chasse infinie, Paris, Gallimard, 2019, coll. Poésie n°548, p. 133
  4. Jacques Dupin, Une Apparence de soupirail, Paris, Gallimard, 1982, coll. Blanche, p. 94

 

 

TARRAMPEU

De et par Jean-Gabriel Cosculluela
Lecture de trois textes :
" Pas d'adieu "
“ Cela vient nu ”
" C'est d'origine "
Les deux premiers textes ont été publiés sur le site de la Maison de la Poésie Jean Joubert (2020 & 2021, Montpellier), le troisième texte également, mais il est aussi publié dans la revue Les Cahiers de la Montagne Noire n°4 (fin 2020, Pont de l'Arn). "C'est d'origine" fait signe sur le lieu de La Galaube dans la Montagne Noire : Joseph Delteil y allait aux beaux jours avec Caroline Dudley et Frédéric- Jacques Temple ne manqua pas d'y aller les voir.


Copyright Jean Gabriel Cosculluela. Prise son : Alicia Cosculluela
https://soundcloud.com/user-511332960/hommage-a-frederic-jacques-temple
 

 

JACQUY GIL

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Jacquy GIL, né en 1948, réside à Saint-Hilaire-de-Beauvoir dans l’Hérault, son village natal, où il a exercé, entre autres, le métier de vigneron.Membre du comité directeur de la revue littéraire Souffles (LEM) de 1986 à 2012, il intègre ensuite le comité de rédaction de la revue la main millénaire.Auteur d’une vingtaine de recueils et livres de poésie. Nombreuses publications en revues.

In memoriam

Frédéric Jacques Temple

« Pour l'exil éternel, j'emporterai l'odeur brûlante des herbages foulés par les onglons sur les drailles interminables bruissantes de sonnailles. »

(F.J. Temple – "Par le sextant du soleil".

Éd. Bruno Doucey, 2020)

Ma draille : la colline qui l’emmène est ligne de partage entre les Cévennes et la Méditerranée.

Elle est garrigue, crête de haute lumière et de haut labeur ; s’y efforcent mon esprit tout autant que mes pas. Elle va en moi comme je vais en elle. J’y fais transhumance de mots et de pensées. Je ne m’y rends que pour m’y perdre et donc pour mieux m’y retrouver.

Son vent est un silence qui parle, ses pierres le miroir d’un ciel de basses étoiles. Quelque chose s’enivre ici qui emprunte bien plus qu’aux fragrances des thyms et des romarins et qui ouvre la voie à tous les possibles.

Jacquy Gil

________________________________________________

 

 

Cet homme qui ressemble à la terre,

Peau d’écorce, chair d’aubier,

Jambes de racines torses,

Oint du musc des troupeaux,

Qui marche toujours sur les sentes

Où mugit la conscience perdue

Dans la rumination des siècles,

C’est moi. »

Frédéric Jacques Temple,  

(Extrait de La chasse infinie et autres poèmes.

Édition de Claude Leroy. Poésie/Gallimard)

Patrick Hannais lit le poème de FJTemple choisi par Jacquy Gil, Aubrac,  (La chasse infinie et autres poèmes, Poésie Gallimard)

Aubrac, de FJT, par le comédien Patrick Hannais

FRANC DUCROS

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Poète, essayiste et traducteur, Franc DUCROS, né dans le Gard en 1936, est professeur honoraire de l’Université Paul-Valéry de Montpellier, où il avait créé et dirigé de 1975 à 1996,  un séminaire de Recherches sur le Poétique qui fut fréquenté par plusieurs poètes contemporains, en particulier André du Bouchet. Plusieurs ouvrages de Franc Ducros, poésies et essais, ont été traduits par différents auteurs en italien, sicilien, sarde, espagnol (Mexique), roumain et occitan.

 

OUVERTURE du PRINTEMPS DES POETES
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PATRICK QUILLIER

OUVERTURE du PRINTEMPS DES POETES

Professeur de Littérature Générale et Comparée à l’Université de Nice, traducteur de poésie portugaise, hongroise, grecque moderne, Patrick QUILLIER est aussi poète et compositeur. Traducteur et éditeur des Œuvres poétiques de Fernando Pessoa dans la Pléiade.

Il n’est de communion qu’en la musique.

Ici le beau souci c’est l’amitié

des résonances et les résonances

de l’amitié. Elles durent longtemps,

semblent plongées irrémédiablement

dans le silence mais lentes, patientes,

elles n’ont pas cessé de retentir,

en diapason infinitésimal,

dans tous les horizons de la conscience.

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FREDERIC JACQUES TEMPLE EN AMITIE - Patrick QUILLIER

MICHAEL GLUCK

OUVERTURE du PRINTEMPS DES POETES

Ecrivain, poète, dramaturge, traducteur, Michaël GLUCK a été enseignant, lecteur et traducteur dans l'édition, directeur de théâtre. Il vit à Montpellier et se consacre essentiellement à l'écriture.

Miniatures des commencements

pour Frédéric Jacques TEMPLE

1.

C’est l’heure. C’est l’heure où. Ici. Je me pose. Ici. A la table. Assis. C’est l’heure où je me repose. Toujours la même question. C’est l’heure où je me demande encore d’où. D’où je suis. De quel lieu.  De quel lien. De quelle langue. C’est l’heure où la langue se délie. Ici. Je ne suis pas d’ici. Je ne suis jamais d’ici. Je suis déplacé. Je me délace. Toujours délace. Entre ailleurs et ailleurs. D’où. Ailleurs, mais d’où. Toujours entre le berceau et la tombe. Depuis longtemps. Avant le temps. Depuis avant le temps des vivants. Ici. Ici n’est que le temps des vivants. Du partage. C’est l’heure où fume la soupe dans les bols. L’heure de la soupe partagée. Du verre de vin. Quelques mots. Ici n’est que ce peu-là. Quelques mots. Gorgés de soupe. Les mots gorgés de soupe. La soupe gorgée de mots. Depuis l’enfance. Depuis l’alphabet du monde au bord de l’assiette. D’où. Vers où. De quelle langue vers quelle langue. Ici c’est l’heure où les mots tombent dans les mains. Dans les lentes mains pour les lendemains. Au bord du chant. Malgré tout. Et contre. Contre tout. C’est l’heure où nous sommes. Ici, nous sommes. Dans le temps des communautés éphémères. Instables, instables. Nous sommes. Ici. Nous sommes. Dans ce temps-là, nous sommes. Venus de loin. Tous nous sommes de loin venus. Pour advenir. Nous ne savons pas que nous sommes. Ici. Assis. En chemin pourtant.

(lire la suite dans le PDF)

 

Miniatures des commencements - Michaël Glück

PIERRE MANUEL

OUVERTURE du PRINTEMPS DES POETES

Professeur de philosophie, membre fondateur de la revue ERRES, puis de la revue PICTURA EDELWEISS, critique d'art, auteur de préfaces de catalogues ou de monographies, ainsi que de nombreux entretiens avec des artistes publiés dans Entretiens d'AL/MA, Pierre MANUEL est  actuellement responsable des éditions MERIDIANES (livres d'artistes et livres d'art) à Montpellier.

Préface à "Vivre d'abord" - hommage à Frédéric Jacques Temple. 

Textes de Frédéric Jacques Temple; Vincent Bioulès; Luis Mizon; Entretien avec Pierre-Marie Héron; Préface de Pierre Manuel. Photographies de Charles Cambéroque. Peintures d'Alain Clément et de Carmelo Zagari. Dessin de Vincent Bioulès. 

 

 

Préface

Pierre Manuel

 

C’est au bord du Lac de Constance, où je passais quelques jours d’été à la recherche de lointains souvenirs d’enfance et alors même que je pensais à Frédéric Jacques Temple qui y finissait ses derniers jours de guerre et y commençait ses premiers jours de paix au milieu d’un monde dévasté, que j’ai appris la nouvelle de sa mort, le 5 août 2020.

Ce lieu aujourd’hui tout entier livré à sa Gemütlichkeit se creusait soudainement d’émotions tout autres – celle d’abord de perdre un ami et d’être si loin lorsque se feront les derniers adieux ; celles associées à l’évocation d’une jeunesse engagée au péril de sa vie pour la libération de l’Italie, de la France1 et de l’Allemagne et dont les effets de la confrontation avec la mort, les ruines, la dévastation morale des fascismes me restaient profondément mystérieux. Comment à 20 ans avoir vu cela, avoir su cela et y avoir survécu ? Par quel travail de la mémoire, de ses enfouissements ou de ses métamorphoses, relier ce passé au présent ? Quelle part de soi qui ne fut pas maudite pouvait vivre encore ?

Dans la douceur des bords de ce lac, et alors même que la ville porte encore en creux les stigmates des destructions de la guerre – grandes places vides, comme soufflées, murs aveugles, restaurations incertaines et maladroites, etc., – j’essayai de mesurer le poids de ces commencements et la manière de les porter sans en être écrasé. La littérature (dont la poésie) fut sans doute, parce qu’elle conduisait Frédéric Jacques Temple vers les terres les plus lointaines à la recherche des héros de son enfance – les derniers des Mohicans (et c’est banalité de dire qu’il avait fini par s’identifier à eux) –, l’une des manières de s’en délester comme le ferait un aventurier qui étape après étape abandonne objets et signes qui entravent sa marche. Mais cette « libération » progressive n’est pas l’instauration du vide par l’oubli, mais la recomposition par la mémoire de ce qui a été vécu : pour donner du sens au plus terrible en l’enroulant dans la longue pelote des « époques » et ainsi passer outre la rupture définitive et totale du temps à laquelle il prétendait. « Table rase du passé », « homme nouveau », « révolution nationale », « guerre totale » : quel que soit le terme, il fallait que la brutalité totalitaire coupe le fil de l’histoire.   

Et c’est comme cela que je « lisais » Frédéric Jacques Temple, comme celui qui s’était donné une tache de « mémorialiste », à laquelle concourraient toutes ses lectures, tous ses objets, toutes ses archives, tous ses récits et en particulier ceux où il évoquait les mondes d’avant autant que ses amis – artistes ou écrivains. « Mémorialiste » non pas au sens traditionnel de celui qui accompagne un moment de l’histoire et qui en célèbre les héros ou en témoigne ; mais avec la conscience aiguë que ce n’est pas le cours du temps qui par lui-même en efface les saillances mais les forces qui animent et définissent ce siècle et le précédent, autant dans les révolutions totalitaires que dans le modernisme technologique, qui en bousculent l’ordre et ne savent construire d’avenir que sur et par la destruction de ce qui est et a été. L’histoire y procéderait par sauts, par ruptures, par négations. Temple s’était donné la tâche inverse : en rassembler autant que possible les fragments déchirés ; et, même par les fils ténus du langage, ramener jusqu’ici et maintenant ce qui fut jeté et rejeté, menacé de ruine ou ruiné. Son extraordinaire goût des mots qui pourrait faire penser à des glossaires m’apparaît plutôt comme un « temps retrouvé », comme un naufragé ferait l’inventaire de ce que la tempête a malgré tout déposé sur la rive et avec lesquels la survie sera possible. Et en ce sens, la mémoire continua à lui être une arme (contre les forces destructrices qui traversaient le présent et qu’il refusait) et non une nostalgie.

Lorsqu’à la fin de cet été 2020, nous évoquions avec son ami Luis Mizón, la disparition de Frédéric Jacques Temple, l’idée d’un livre d’hommage s’est immédiatement imposée. Brigitte Portal-Temple, son épouse, nous a apporté tout de suite son concours proposant d’y associer les photographies de Charles Cambéroque pour lesquelles Temple avait écrit sur plusieurs années de brèves annotations et qu’il espérait encore peu avant sa mort voir publiées. Et par touches successives, nous en sommes arrivés à rassembler quelques autres textes d’amis très proches de F.J. Temple : celui de Vincent Bioulès et l’entretien avec Pierre-Marie Héron ; ainsi qu’un portrait récemment réalisé par Alain Clément.  Et comme les éditions Méridianes avaient publié en livre d’artiste (donc à tirage très limité) La couleur de l’air2, avec la complicité et 7 photographies de David Huguenin ainsi que plus tard La Maison des premiers émois, texte où Temple évoque ses premiers souvenirs, il est apparu opportun de reprendre les textes de ces deux ouvrages en conservant l’une3 des peintures de Carmelo Zagari qui l’illustrent.

Ce livre est né du souhait d’exprimer l’émotion partagée par quelques-uns après la disparition de Frédéric Jacques Temple : l’adieu fraternel. Il porte aussi l’espoir d’un hommage plus large4.  

Pierre Manuel

Février 2021

 

1) Le même jour (15 août 1944) ou le lendemain (l’infanterie coloniale a dû précéder les blindés), au même endroit sans doute que mon père, il a débarqué en Provence, avec les armées venues d’Afrique.

2) Frédéric Jacques Temple, La couleur de l’air, accompagné de photographies de David Huguenin, Montpellier, éditions Méridianes, 2017.

3) Cette peinture reprend une photographie montrant F.J. Temple sur son cheval à 2 ans. Sur mon cheval sera le titre de l’un de ses premiers recueils de poésie publié par Edmond Charlot à Alger en 1946 et que les éditions Domens ont réédité en mars 2021, en fac-similé avec une présentation de Claude Leroy.

4) Il existe un ouvrage de référence sur de multiples aspects de son œuvre et de sa biographie : les actes du colloque de Cerisy consacré à F.J. Temple parus sous le titre : Périples & parages. L’œuvre de Frédéric Jacques Temple, sous la direction de Marie-Paule Berranger, Pierre-Marie Héron et Claude Leroy (Paris, éditions Hermann, 2016).

JACQUES GUIGOU

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Né en 1941 à Vauvert (Gard), Jacques Guigou, après un doctorat de sociologie, mène une carrière universitaire en sciences de l’éducation. Auteur de plusieurs ouvrages critiques sur les aliénations dans la société d'après 1968, il a créé les éditions de l'Impliqué et anime une revue, Temps critiques. Depuis les années 1970, il écrit de la poésie. Il est l’auteur d’une vingtaine de recueils rassemblés en 2020 dans Poésie complète (L’impliqué). Il vit à Montpellier.

Jacques GUIGOU lit Villages au sud,  de Frédéric Jacques Temple, Anthologie personnelle, Actes Sud

Nicole et Georges DRANO

OUVERTURE du PRINTEMPS DES POETES
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Nicole et Georges Drano

Poètes tous deux, ils sont co-responsables de l’association Humanisme et Culture, et organisent et présentent régulièrement des lectures publiques. Ils ont ainsi invité plus de deux cents poètes de toutes nationalités en Languedoc. Leurs œuvres respectives ont été publiées notamment  aux éditions Rougerie.

 

Témoignage

Nous avons rencontré Frédéric Jacques Temple à plusieurs reprises en particulier au cours de festivals où il était invité et où nous faisions fonction de présentateurs. Ce fut le cas aux « Voix de la Méditerranée » à Lodève et aux « Voix Vives » à Sète. Chacun de ces échanges fut empreint d’une grande cordialité et d’une grande richesse. Outre son œuvre de poète nous connaissions l’itinéraire singulier de FJ Temple ; les rencontres, les amitiés avec les artistes de son temps, les voyages et les événements qu’il avait vécus et qui ont peuplé plusieurs de ses écrits. Lorsque nous évoquions tous ces moments que nous qualifions d’extraordinaires ou d’aventureux il considérait l’ensemble comme de simples épisodes de la vie humaine.

Ce point de vue personnel n’était pas une posture mais le témoignage d’une force de vie et d’une volonté de maîtriser un destin hors du commun qu’il qualifiait lui-même d’ordinaire, il se sentait être cet homme transitoire, en proie aux interrogations existentielles : homme solaire. 

 tel un veilleur guettant l’aurore  

j’attends la blanche annonciation

d’une fleur ressuscitée

Mais les voyages parfois deviennent des errances qui  n’effacent pas les inquiétudes :

   A chaque pas à chaque coup de mon cœur

   Et je ne jetterai jamais la sonde pour retrouver les dieux dont j’ai peur

Dans la poésie de Frédéric-Jacques Temple il y a toujours beaucoup d’attention et de tendresse pour le monde vivant ; humains, animaux et plantes ,dans de nombreux poèmes on retrouve tout un vocabulaire animal ou végétal emprunté aux sciences naturelles ; ce souci d’authenticité permet aussi l’usage de tout un lexique de termes aux étranges sonorités auxquels le poète est particulièrement attentif. En octobre 2006 avec l’association Humanisme et Culture nous avons invité Frédéric-Jacques Temple à Frontignan en compagnie de Jean Joubert, il ne s’agissait pas de faire dialoguer deux poètes qui s’estimaient mutuellement mais de faire entendre deux voix singulières de poètes de notre temps. Ce fut une rencontre de qualité à travers les lectures particulières et les échanges que nous avions aménagés, le public présent a pu entendre des poèmes aux thèmes et écritures très différentes  tout en appréciant leur qualité d’authenticité.

C’est sans doute au cours de cette soirée que nous avons compris l’attachement de Frédéric Jacques Temple pour le monde méditerranéen.«Rêveur d’Amérique »  l’aveyronnais de naissance gardait en lui de fortes relations avec les paysages de garrigues et d’ oliviers.

 

     « Je suis un arbre voyageur

        mes racines sont des amarres

       

        Si le monde est mon océan

        en ma terre je fais relâche »

Il en est de même de sa fidélité à la langue occitane à propos de laquelle il écrit :

« Cette langue fut la mienne, voilà mille ans. Je ne la parle pas, à peine si je la lis ; mais quand le vent ride les dunes, que la mer d’équinoxe bouillonne, que les garrigues vibrent sous la fureur solaire, je sais que sont vivants les mots qui les nommaient. »   

Ces quelques lignes sont extraites de « Poëmas/poèmes » recueil de poèmes de F.J.Temple  publiés en version bilingue aux éditions Jorn, avec une traduction de Max Rouquette. Avec ce livre rare qui honore les responsables des éditions Jorn, Temple apprend ce qu’il savait déjà.            

Il nous est impossible de conclure car cet étrange voyageur continue à traverser le temps pour nous parler au présent.

Nicole Drano Stamberg     Georges Drano

Mars 2021

GERARD LIEBER

OUVERTURE du PRINTEMPS DES POETES

Gérard LIEBER

Professeur émérite d’études théâtrales à l’Université Paul Valéry, où il a contribué à mettre en place le département des Arts du spectacle et à ouvrir le Théâtre de la Vignette, ses recherches portent sur l’histoire et l’esthétique du théâtre. Gérard LIEBER  a travaillé comme dramaturge auprès de différents metteurs en scène, comme Jacques Nichet. Frédéric Jacques Temple, son ami de longue date,  lui a fait rencontrer Jean Hugo, Joseph Delteil, Lawrence Durrell
 

Gérard LIEBER lit Méditerranée, de FJT, (Phares, balises et feux brefs, éditions Bruno Doucey)

Gérard Lieber lit Méditerranée de Frédéric Jacques Temple ( Phares, balises et feux brefs)

Patrick Hannais, comédien, lit "Le soleil rouge" de FJTemple; à la guitare: Jean-Loïc Hannais

OUVERTURE du PRINTEMPS des POETES

LES ARBRES SONT AUSSI DU SILENCE

Exposition et lectures

à la Maison de la Poésie Jean Joubert

OUVERTURE du PRINTEMPS DES POETES

LES ARBRES SONT AUSSI DU SILENCE

Exposition des œuvres de l’artiste peintre  RAPHAEL SEGURA

Encres de Chine de RAPHAËL SEGURA sur papier Antémoro

à la MAISON DE LA POESIE JEAN JOUBERT (Montpellier)

Présentation  du livre LES ARBRES SONT AUSSI DU SILENCE

Encres de Chine de RAPHAËL SEGURA

Poèmes de JAMES SACRE

Editions Voix d’Encre

 

Avec Raphaël SEGURA, artiste

James SACRE, poète

OUVERTURE du PRINTEMPS DES POETES
OUVERTURE du PRINTEMPS DES POETES
OUVERTURE du PRINTEMPS DES POETES
OUVERTURE du PRINTEMPS DES POETES

LE DESIR  dans la BIBLIOTHEQUE de la MAISON DE LA POESIE JEAN JOUBERT

 

PAGE BIBLIOTHEQUE

http://maison-de-la-poesie-languedoc-roussillon.org/2019/09/bibliotheque.html

LE DESIR par l'ATELIER d'ECRITURE de la MAISON de la POESIE JEAN JOUBERT

 

PAGE ATELIER

http://maison-de-la-poesie-languedoc-roussillon.org/2018/02/atelier-d-ecriture-le-2-mars.html

 

OUVERTURE du PRINTEMPS DES POETES

en partenariat avec la  Médiathèque Françoise-Giroud à Castries

Frédéric Jacques Temple et les poètes du désir de voyage

Installation d’un espace poésie : mise en valeur du fonds poésie de la médiathèque, enregistrements sonores de poèmes,  présentation de Frédéric Jacques Temple par ses amis poètes, poèmes en écoute,  lectures de poèmes par les bibliothécaires au public de la médiathèque présent.

OUVERTURE du PRINTEMPS DES POETES
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